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Comment retenir les talents dans un contexte de difficultés économiques ?

Face à la crise, le chef d'entreprise doit à la fois assurer la pérennité de son activité et retenir les cadres nécessaires au redressement de la société. Une équation parfois complexe. Pourtant, des mécanismes peuvent être envisagés sans affecter à court terme la performance économique.

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Comment retenir les talents dans un contexte de difficultés économiques ?

Dans un contexte économique fortement dégradé, nombre d'entreprises sont contraintes à la mise en oeuvre de projets de réorganisation. Qu'il s'agisse de suppressions de postes - sous la forme de plan de sauvegarde de l'emploi ou de plan de départs volontaires - ou encore de baisses de rémunération en contrepartie du maintien de l'emploi (accord de performance collective), les plans de restructuration ne manquent pas. Reste alors à savoir comment, dans ce contexte, une entreprise peut fidéliser ses salariés clés, à plus ou moins long terme, afin de les associer à son redressement futur.

Certes, il existe les traditionnels versements de primes et bonus aux salariés ou encore le recours à des mécanismes légaux d'épargne salariale (intéressement et participation). Mais ceux-ci se révèlent parfois inefficaces. Alors que les bonus requièrent une disponibilité immédiate de trésorerie, l'épargne salariale, elle, se révèle peu performante en temps de crise, compte-tenu des résultats économiques.

Dès lors, plusieurs mécanismes de rétention intégrant des incitations financières peuvent apparaitre opportuns, tant pour l'entreprise que pour les salariés. De telles incitations peuvent ainsi encourager les salariés clés à ne pas rechercher chez un autre employeur une meilleure reconnaissance de leurs qualités professionnelles et de leur performance individuelle.

Aligner les intérêts avec les actions gratuites

L'attribution gratuite d'actions de l'entreprise peut constituer une incitation financière. Ce mécanisme repose sur l'ouverture d'une partie du capital social de l'entreprise (dans la limite de 10% du capital social) à certains salariés choisis, et ce, sans contrepartie financière.

Par ailleurs, si l'attribution est immédiate, le bénéficiaire, lui, ne devient propriétaire des titres correspondants qu'au terme d'une période d'acquisition, de minimum un an. Il ne pourra pleinement en disposer qu'à l'issue d'une période de conservation, qui s'élève elle aussi à au moins un an.

Un départ du salarié avant le terme de la période d'acquisition entrainera la perte des actions attribuées. Acquisition qui peut, en outre, être subordonnée à la réalisation de conditions de performance. A la fin de cette période de conservation, le bénéficiaire pourra céder les actions qui lui ont été attribuées gratuitement.

Cette acquisition dans le temps contribue en elle-même à retenir les salariés dans l'entreprise.

L'intérêt pour le salarié bénéficiaire est double. D'une part, le mécanisme lui permet d'acquérir des titres gratuitement. D'autre part, il lui permet de bénéficier d'un régime social et fiscal particulièrement attractif.

Pour l'entreprise, l'ouverture du capital à certains salariés permet, dès l'attribution des actions, d'aligner les intérêts du bénéficiaire avec ceux de la société sans affecter son niveau de trésorerie.

Les phantom stocks

Dans le cas, cependant, où l'ouverture du capital est impossible ou non souhaitée, l'employeur peut envisager d'associer ses équipes à la performance financière par l'attribution de " phantom stocks ", ou " actions virtuelles ".

Il s'agit là d'un plan d'intéressement sur le long-terme ressemblant fortement à un plan d'attribution d'actions, mais sans attribution à proprement parlé. En d'autres termes, les bénéficiaires se voient remettre gratuitement des " unités de performances " c'est-à-dire des droits à percevoir une somme d'argent.

L'octroi des unités est suivi d'une période d'attente durant laquelle certaines conditions doivent être remplies. Par exemple, le salarié devra remplir une condition de présence, ou encore, certains objectifs de performance individuels ou collectifs devront être atteints tels qu'un retour à un niveau d'Ebitda pré-Covid 19 ou la réalisation d'un plan de transformation.

En revanche, si ce mécanisme aligne les intérêts de l'entreprise et des bénéficiaires, aucun régime fiscal et social avantageux n'est applicable aux phantom stocks. La somme ainsi perçue par le bénéficiaire sera pleinement soumise aux charges sociales et à l'impôt sur le revenu.

Par ailleurs, si l'entreprise peut unilatéralement choisir les salariés éligibles au plan d'attribution gratuite d'actions et de phantom stocks (contrairement aux régimes d'intéressement et de participation qui doivent profiter à l'ensemble des salariés), une attention particulière devra être portée au moment du choix des bénéficiaires au respect des principes d'égalité de traitement ou de non-discrimination.

Golden parachute : sécuriser le départ sur une période déterminée

Enfin, au-delà de ces schémas liés à la performance collective, le maintien d'un collaborateur clé sur le long terme pourrait également revêtir la forme d'un engagement contractuel (type indemnité contractuelle de départ dites " golden parachute "). Au terme de cet engagement, et en cas de licenciement hors faute grave ou lourde, le salarié pourra alors bénéficier d'une indemnité de départ correspondant à un nombre de mois de salaires (entre 6 et 12 mois par exemple).

En sécurisant, au-delà des dispositions légales, ses conditions de départ, le salarié sera moins enclin à prendre les risques inhérents à un nouveau défi proposé par un autre employeur. Car, si une opportunité peut sembler plus attrayante, la perte de l'ancienneté acquise dans l'entreprise ou encore la période d'essai appliquée dans la nouvelle sont autant d'éléments qui ne pourront pas tous être compensés. En ce sens, le recours à ces mécanismes, s'il est fait avec précaution, permettra d'éviter tout effet d'aubaine.

En complément d'une politique de gestion des ressources humaines bien définie (formation, développement des compétences, promotion interne...), ces outils sont assurément des éléments permettant de conserver et motiver les meilleurs éléments de l'entreprise, et ce, sur le long terme.

Pour en savoir plus

Bertrand Thibaut est responsable de la pratique sociale au sein du cabinet Scotto Partners. Il intervient dans l'accompagnement d'équipes de management sous LBO, dans la négociation de management packages à l'occasion d'arrivée ou de départ de cadres dirigeants, ou encore dans l'élaboration de la stratégie et la mise en oeuvre de plans de restructuration. Cet article a été rédigé avec l'aide d'Alban Tourneux (Scotto Partners), avocat à la cour et spécialiste en droit social.

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