Publicité

Congé paternité : ces boîtes qui ont pris les devants !

Aujourd’hui, le congé paternité prévu par la loi dure 11 jours (en comparaison, le congé maternité dure 16 semaines). C’est peu. Vraiment très peu, pour gérer l’arrivée d’un nouveau-né. En Espagne, le congé paternité est passé de cinq à huit semaines, en avril dernier. Et à partir du 1er juillet 2021, il sera de seize semaines tout comme le congé maternité. En France, de plus en plus d’entreprises françaises proposent à leurs salariés un congé paternité allongé et protégé.

16587_1573228674_kelly-sikkema-fqqaji9oxmi-unsplash.jpg
Le congé paternité se limite à 11 jours consécutifs week-end inclus (dans les 4 mois qui suivent la naissance de l'enfant). (Kelly Sikkema via Unsplash)
Publié le 8 nov. 2019 à 18:25Mis à jour le 12 nov. 2019 à 09:25

En septembre dernier, le groupe Kering fait parler de lui dans les médias. Il a promis à l'ensemble de ses collaborateurs dans le monde, “un minimum de 14 semaines rémunérées à 100% pour leur congé maternité, paternité, adoption, ou partenaire (pour un couple homosexuel)”. Dès janvier 2020, tous les co-parents pourront profiter du “congé bébé”. L’annonce est d'importance, lorsque l'on sait que dans la plupart des entreprises françaises, le congé paternité se limite à 11 jours consécutifs week-end inclus (dans les 4 mois qui suivent la naissance de l'enfant). Pour vous donner une idée, si vous gagnez 3.000 euros brut par mois (les trois derniers mois précédant la naissance), votre indemnité journalière sera de 72,70 euros. 

Le congé parental “c’est une belle idée qui peut coûter très cher et finir par être insoutenable”, a fait savoir Emmanuel Macron au Parlement européen, en avril 2018. Fermez le ban. 

Kering n’est pas le premier à s’être engagé pour l’égalité professionnelle de ses salariés. En 2017 déjà, le groupe d’assurance Aviva accordait à ses salariés co-parents (homme ou femme), un congé parentalité rémunéré de 10 semaines. L’employé peut en profiter dans les six mois qui suivent la naissance et répartir ce congé comme il l’entend (prendre 10 semaines d’un coup ou les fractionner). "Aujourd’hui, le co-parent a envie de voir son enfant grandir et d’être aux côtés de la mère”, défend Sylvie Chartier-Gueudet, directrice inclusion et bien-être au travail d’Aviva France.

Publicité

Le congé paternité, bénéfique pour le père et...pour la mère

“Une manière de ne pas faire peser le “risque de la parentalité” uniquement sur les femmes (même celles qui ne veulent pas d’enfants). Puisque les mères sont les seules à s’absenter pendant 16 semaines. Si le congé paternité est normalisé, la parentalité sera partagée et les regards changeront” explique Amandine Hancewicz, présidente de l'association Parents & Féministes et à l’origine de la tribune “Les femmes sont aujourd’hui en surcharge les 1 000 premiers jours de l’enfant” publiée dans L’OBS. 

En deux ans, le congé parentalité chez Aviva semble avoir fait ses preuves. La première année, 60% des personnes éligibles (les nouveaux co-parents) en ont profité, la deuxième année, elles étaient 80%. C’est le cas d’Emmanuel Pujol, 39 ans, qui a rejoint Aviva, il y a un peu plus d’un an. Lors de son entretien d’embauche déjà, l’entreprise avait promu le congé parentalité. Un argument pas déterminant, mais qui a fait son chemin. Car, quelques mois après son embauche, la compagne d’Emmanuel tombe enceinte. Le manager réalise alors sa chance : “dans une autre entreprise, j’aurais profité des 11 jours légaux et je me serais arrangé pour prendre des jours de congés sans solde”.

Ce temps accordé a été bénéfique aussi bien pour lui que pour la mère, “car s’occuper d’un enfant, c’est un boulot à temps-plein. Ma compagne a pu se reposer et compter sur moi. Quand elle allaitait la nuit, elle pouvait dormir le matin. Quand elle a repris le travail, j’étais là pour prendre le relai” confie-t-il.

La présidente de Parents & Féministes insiste bien sur ce dernier point : “le congé maternité ne peut pas s’appeler congé, si la mère est seule après son accouchement, si elle ne peut pas se reposer et se retrouver avec elle-même”.Quant à l’organisation de son travail, le manager a anticipé son absence, comme quand il part en vacances. Comme pour un congé maternité. Et Emmanuel de rappeler : “Je ne suis finalement parti que quelques semaines et ça n’a pas empêché l’entreprise de fonctionner”.

60 % des 18-24 ans souhaitent un allongement du congé du deuxième parent

Du côté de l’assurance santé en ligne Alan - dont la moyenne d’âge des salariés est de 30 ans - les aspirations des pères ont été entendues. D’autant que,“plus de six Français sur dix de 18 à 24 ans souhaitent l'allongement du congé de paternité, selon le baromètre de la Drees (le service statistique des ministères sociaux). 

Chez Alan, les nouveaux pères peuvent prendre un congé paternité de cinq semaines, au moment de la naissance. Précisons que la startup propose déjà à l’ensemble de ses salariés des vacances illimitées (ce qui ne veut pas dire que l’employé passe sa vie en vacances, mais qu’il est libre d’organiser son temps et ses tâches, comme il le veut). Les jours de congés ne sont pas scrupuleusement comptés.

Chez l’éditeur de jeux vidéos Ubisoft, le congé paternité s’est aussi imposé. “Après plusieurs enquêtes auprès de nos collaborateurs (dont 74% sont des hommes et la moyenne d’âge est de 34 ans), nous avons compris qu’il fallait que l’on se positionne sur le congé paternité et coparent”, se souvient Raphaëlle Lalo, manager ‘expérience collaborateur’ et adjointe de la DRH.

C’est en décembre 2018, que l’entreprise française allonge le congé parentalité à 4 semaines (en plus des 11 jours légaux). Pendant ce temps, le co-parent est protégé : il reçoit l’intégralité de son salaire, comme s’il travaillait. Depuis, 100% des nouveaux pères ont bénéficié de ce congé (21 sur 300 personnes au siège parisien). “Le congé maternité n’est pas fractionné, donc il n’y a aucune raison de fractionner ce congé. S’occuper de son enfant ce n’est pas optionnel”, rappelle Raphaëlle Lalo. La durée du congé parentalité peut encore évoluer, en fonction des retours des collaborateurs. En attendant, Ubisoft vient de lancer un service de réservation de places en crèche pour ses collaborateurs.

Publicité

À un moment, les femmes quittent la profession

Dans le cabinet Allen & Overy, le raisonnement a été tout autre. “Nous recrutons plus de femmes que d’hommes. Pourtant, plus les années passent, plus les femmes quittent la profession, alors qu’elles sont souvent très douées pour ce métier”, déplore Hervé Ekue, managing partner du cabinet et “dans la maison depuis 18 ans”.

Pour remédier à cette situation, les avocats du cabinet ont lancé le “congé parentalité” de quatre semaines, intégralement rémunéré, cette année. “Notre objectif est qu’à l'horizon 2021, 100% des personnes éligibles (père et partenaire peu importe le sexe) prennent les 4 semaines de congés parentalité”. La mesure pénaliserait moins la carrière des femmes, qui partent en congé maternité. Elles ne seraient plus les seules à prendre quelques semaines, à l’arrivée d’un enfant. En plus d’oeuvrer pour l’égalité professionnelle, elle améliore l’image du cabinet. “Il est nécessaire d’être à l’écoute et de s’avoir s’adapter si on veut recruter et fidéliser de jeunes talents, car ils ont ou auront peut-être envie d’avoir des enfants”, indique Hervé Ekue.

Chez L’Oréal, aussi, on a pris les devants. Depuis, le 1er mars 2019, le groupe a instauré le congé paternité ou congé d’arrivée de l’enfant de six semaines, indemnisé à 100%. Le dispositif s’ouvre aussi bien aux hommes qu’aux femmes co-parents. Pas question pour le moment d’aligner le congé parentalité sur le congé maternité, “car, jusqu’à nouvel ordre, ce sont les mères qui portent l’enfant. Ce serait leur manquer de respect, de ne pas leur accorder un temps supplémentaire”, estime Emmanuelle Lievremont-Janicot, directrice santé et qualité de vie au travail.

Le deuxième parent peut prendre trois semaines au moment de la naissance et trois semaines de façon fractionnée jusqu’au troisième anniversaire de l’enfant. “Cet avantage permet de mieux répartir la charge familiale dans le couple. Le conjoint avec ses jours en plus, peut alléger la charge mentale de la maman, en emmenant son enfant chez le médecin, par exemple”, précise Emmanuelle Lievremont-Janicot. Pour elle, une entreprise qui s’investit pour l’équilibre de vie de ses salariés, remarque “logiquement, qu’ils sont plus engagés, plus fidèles et plus performants”.

Mais, ce sont surtout les groupes internationaux ou les jeunes pousses françaises qui vont dans le sens de l’égalité professionnelle. Cet article en est la preuve. “Et malheureusement, les salariés des PME ou petites entreprises sont laissées de côté” observe Amandine Hancewicz. “Maintenant, c’est à l’État de prendre les choses en main” conclut-elle.

Léa Taieb

Publicité